KUALA LUMPUR - BANGKOK : fiestas, palmier à huile et éveil des papilles
- Jojo
- 8 janv. 2018
- 8 min de lecture
Les frontières se dressent devant moi comme des obstacles. C'était le cas pour la frontière chinoise il y a quelques mois, c'est à présent vrai pour la frontière birmane qui, en raison du conflit qui oppose l'armée birmane à la minorité Rohingya, a été fermée aux touristes étrangers. Au fond de moi, cela m'arrange bien puisque je suis ainsi dispensé de fouler à nouveau le sol indien. J'emballe une fois de plus mon vélo et saute dans un avion pour Kuala Lumpur, en Malaisie. A mes nombreux bagages s'ajoute Esteban, mon compagnon de route suisse de ces dernières semaines.
3200 kilomètres séparent Katmandou et Kuala Lumpur, à vol d'oiseau. En arrivant dans cette dernière, j'ai plutôt l'impression qu'un espace temps de plusieurs décennies s'est glissé sur ma route. Les routes cahoteuses et poussiéreuses du Népal ont laissé place à de larges artères goudronnées à plusieurs voies qui s'entrecroisent dans un mic-mac autoroutier futuriste. Nous arrivons dans la capitale malaise au milieu de la nuit et pourtant la chaleur est lourde et humide. Le taxi se faufile entre de larges carrés de tours verticales avant de nous déposer à notre auberge. Là encore, le choc est brutal. J'avais notamment aimé Katmandou pour le genre de voyageurs qui y traînaient, mosaïque de « néo-hippies » et d'amoureux de la montagne. Nous ne trouvons rien de comparable à Kuala Lumpur, même si nous faisons quelques rencontres, plus drôles que belles. Nous avons plutôt affaire ici à l'archétype universel du backpacker qui, je le vérifierai assez rapidement, grouille en Asie du sud-est. Désolé pour la condescendance. Nous retardons notre départ d'un jour, après nous être fait embrigader dans une beuverie nocturne par Ali, un riche héritier saoudien fuyant sa terre natale le temps d'une cure de débauche.
Les excès de la veille ne nous aident pas à supporter l'infernale chaleur humide qui s'abat sur nous. Nous déambulons dans les rues de cette ville ultramoderne, la tête vers le haut afin de contempler les innombrables gratte-ciels. Nous découvrons avec plaisir la cuisine malaise, et son incroyable variété, héritée de ses influences indiennes et chinoises. D'importantes communautés d'Indiens et de Chinois se sont installées dans le pays, ramenant avec elles leurs cultures culinaires, pour le plus grand plaisir de nos papilles. Durant les dix jours que nous passerons en Malaisie, notre passe-temps principal sera la découverte quotidienne de la gastronomie malaise. Je retrouve avec grand plaisir les saveurs découvertes en Inde avec toutes les variantes locales propres au pays. Sur les étals de fruits, nos yeux s'arrêtent sur de drôles de fruits inconnus et fascinants. Le durian, gros fruit à épines, retient notre attention par la drôle et forte odeur qu'il dégage. Sa saveur est quasiment indescriptible, faisant perdre tous leurs sens à nos palais. Quant à sa texture... nous avons l'impression de déguster un fromage des plus onctueux, crémeux... C'est une expérience incroyable de découvrir ce fruit, dont on devine facilement qu'il peut devenir hautement addictif. En me renseignant de plus pres, j'apprends que chaque année plusieurs personnes succombent d'overdoses de durian en Malaisie et dans les pays voisins.
Nous finissons par quitter Kuala Lumpur, ayant pris grand soin d'éviter l'énième guet apens que nous tendait notre ami saoudien le dernier soir. Après une dizaine de minutes sur nos selles, nous faisons plus du tout les malins lorsque nous nous retrouvons coincés à l'intersection de deux gros axes autoroutiers à observer le flot ininterrompu de voitures. La sortie de cette immense agglomération s'annonce épique. La chaleur humide n'arrange rien à nos affaires. Au bout de quelques minutes à pédaler nous sommes trempés de sueur. Il ne nous faut pas longtemps pour réaliser que cette moiteur ambiante va être notre principal ennemi en Malaisie. Au bout d'une quarantaine de kilomètres à rouler sur les bordures d'autoroutes, nous sortons finalement de la capitale, entiers mais moites. Le soir même, nous rejoignons même la côte au nord-ouest de la métropole et posons la tente sur une plage. Nos espoirs de baignades sont vites anéantis lorsque n'ayant pas encore atteint l'eau nous nous enfonçons dans la vase jusqu'à mi mollets.
Nous cheminons vers le nord, au travers d'interminables plantations de palmiers. La Malaisie est le second exportateur mondial d'huile de palme, dont la production représente 11% de son PIB. Au-delà des conséquences écologiques désastreuses que cela induit (déforestation à très grande échelle), cela en fait également un pays assez inintéressant à traverser à vélo. A première vue, ces immenses plantations nous semblaient d'agréables terrains de camping. A première vue seulement. Nous revenons sur cette illusion après nous être battus une nuit entière contre les hordes de moustiques et l'insoutenable chaleur humide. Bienvenus dans les tropiques.
N'ayant plus trop goût à ces bivouacs sauvages, nous nous retrouvons coincés, à la nuit tombante, dans un quartier pavillonnaire d'une grande agglomération. La nuit tombe, des trombes d'eau ne tardent pas à suivre. Nous nous regardons, perplexes. Esteban se jette (un peu plus) à l'eau et s'en va demander l'hospitalité à la maison la plus proche.
En anglais (par chance, l'ensemble des membres de la famille parlaient un très bon anglais)
« Bonjour, pourrait-on s'abriter sous votre porche le temps de cuisiner ?
La mère de famille : - Mais qu'allez-vous faire une fois que vous aurez mangé ?
Euh...
En fait vous voulez dormir là, n'est-ce pas ?
Euh...(gênés), ba oui en fait, c'est ça. On aurait bien planté notre tente sous votre porche.
Bon, il faut que j'appelle le grand-père, qui est le maître de maison, pour lui demander son accord.
Quelques minutes plus tard, l'accord donné, nous étions passés du statut d'inconnus sales et détrempés à celui d'invités d'honneur douchés et choyés. La famille était d'origine indienne, catholique et installée en Malaisie depuis plusieurs générations. Les jeunes enfants parlaient incroyablement bien anglais (sans déconner, je pense que la petite de douze ans parlait mieux que moi...) et débordaient d'énergie. Nous avons dû leur paraître bien souffreteux, le ventre vide, et notre grosse centaine de kilomètres dans les jambes.
Le lendemain, nous quittons notre nouvelle famille, emplis d'émotion. Nous prenons la direction de George Town, sur l'île de Penang où nous arrivons en milieu de journée. En route, nous avons rencontré Alexander, un cycliste originaire de Guernesey sur la route depuis plusieurs mois. Ici encore nous avons affaire à une grande ville moderne. Elle est connue pour les nombreuses fresques de street-art qui décorent ses rues. Le soir, nous nous laissons happer dans une soirée « backpacker » d'un hôtel voisin. Boissons pas chères, fêtards de la terre entière et jolies filles... tout y es. Apprenant de nos leçons, nous parvenons à nous éclipser avant l'heure fatidique du non-retour. Le lendemain, nous repartons certes, les yeux un peu vaseux, mais nous repartons. Nous sommes pressés d'arriver en Thaïlande où nous aimerions passer Noël.
Notre intérêt pour le pays ne grandit pas vraiment au fur et à mesure que nous montons vers le nord. Les champs de palme se suivent et se ressemblent. Alors que nous ne sommes plus qu'à quelques dizaines de kilomètres de la frontière thaïlandaise, nous nous arrêtons demander de l'eau dans une mosquée (55% de la population malaise est musulmane). Nous sommes reçus avec de grands sourires par deux sympathiques fidèles. Le coucher du soleil n'est plus si loin. Nous en profitons pour demander l'hospitalité pour la nuit. Nous ne tardons pas à voir rappliquer l'imam, qui nous invite à nous installer confortablement dans une pièce attenante à la mosquée. Pendant que l'on prépare notre souper, les fidèles des alentours viennent assister à la prière du soir et nous adressent de larges sourires.
« Êtes-vous musulmans ? - Juste pour la douche et la nuit! »
Alors que nous nous couchons, on toque à la porte. Trois visages curieux de vieillards apparaissent dans l’entrebâillement. Ils nous tendent des paquets de chips et nous souhaitent une bonne nuit.
Nous entrons en Thaïlande le lendemain matin. Les plantations de palmiers n'ont pas disparu, mais elles alternent avec celles d’hévéas (arbres à caoutchouc). Nous plantons la tente un soir dans l'une de ces dernières. Le résultat n'est pas plus satisfaisant. Une fois encore, les moustiques nous dévorent sans pitié. Les routes sont très bonnes en Thaïlande et le sud du pays est très plat, ce qui nous permet de faire de longues étapes. Esteban franchit la barre des 10 000 kilomètres. Nous passons une nuit dans un temple bouddhiste, principale religion du pays. L'accueil des étrangers semble leur faire ni-chaud ni-froid et nous nous installons confortablement, n'ayant même pas à répondre à de curieux regards.
Le lendemain, nous arrivons à Krabi, sur la côte, pour le réveillon de Noël. Nous nous régalons dans un restaurant de fruits de mer avant de nous diriger vers la ville voisine, centre festif du coin. C'était l'une des raisons pour lesquelles nous voulions être à Krabi pour Noël. L'autre, c'est que les alentours abritent des falaises incroyables en bord de plage, qui figurent parmi les plus beaux spots d'escalade au monde. Une fois les excès de Noël évacués, nous embarquons dans une barque qui nous amène jusqu'à la plage de Railay. Là, nous louons du matériel d'escalade et nous attaquons à ces splendides falaises. Les bras n'ont pas beaucoup servi ces derniers mois et nous fatiguons très rapidement. Le plaisir est là, malgré tout. Nous grimpons pendant deux jours en compagnie de grimpeurs du monde entier.
Les bras en compotes, nous nous remettons en selle, direction Koh Tao, une île située à quelques 200 kilomètres de là. Nous y retrouvons Irina et Julien, des copains bretons, ainsi que d'autres nouveaux amis, dans le cadre d'un festival de psytrance pour le nouvel an. Je ne voudrais pas vous ennuyer et ce qui se passe à Koh Tao reste à Koh Tao. Nous avons dûment fêté la fin de cette année 2017, riche en aventures pour ma part, et l'arrivée de 2018.
De retour sur le continent quelques jours plus tard, j'embarque dans un train pour Bangkok. Camille, ma sœur, me rejoint d'ici quelques mois en Thaïlande, et nous avons prévu de rouler ensemble le long de cette côte jusqu'à Bangkok. Esteban, lui, est reparti de son côté pour de nouvelles aventures. Il a été un compagnon de route formidable avec qui j'ai partagé d'incroyables moments.
Je m’octroie quelques jours de repos sur Bangkok avant de repartir. C'est aussi l'occasion de faire réviser mon vélo, qui comptabilise quasiment 15000 kilomètres. Dans la capitale (comme ailleurs avant en Thaïlande), je me régale. Je me passionne pour l'incroyable variété de la cuisine thaï. Chaque repas est une nouvelle expérience, souvent très épicée. Cuisiner dans la rue est une pratique très répandue dans le pays et l'on est souvent subjugué par le flot de saveurs qui se déploie sur le palais avec un plat acheté pour un euro sur le bord de la route. La Thaïlande vient talonner l'Inde dans le classement de mes destinations gastronomiques préférées.
Je profite de ces quelques jours pour préparer l'itinéraire de mes deux derniers mois de voyage : je pense aller au Cambodge, puis remonter jusque dans le nord du Laos, dont tous les cyclistes rencontrés m'ont dit le plus grand bien. J'ai moins pédalé ces derniers mois, m'octroyant de plus larges pauses. Il est temps de se remettre aux affaires et de profiter pleinement du temps qu'il me reste pour rouler et me perdre hors des sentiers battus.

Alors que nous quittons Kuala Lumpur, nous sommes surpris par une violente averse de pluie chaude. Nous nous réfugions sous un pont et sommes vite rejoins par des compagnons à deux roues.

Premier bivouac en Malaisie. Il y a pire.

Le cadre est sympa, mais la nuit n'a pas été si bonne que ça : hordes de moustiques et humidité ambiante.

Nous sommes accueillis par une sympathique famille catholique d'origine indienne.

Street-art, George Town.

Dans le sud de la Thaïlande, Esteban franchit la barre des 10 000 kilomètres. Félicitation à lui.

Nous arrivons à Krabi pour Noël après de longues journées sur la route.

A Krabi, nous profitons des incroyables falaises à même la plage pour faire de l'escalade.

Les alentours de Krabi abritent de fantastiques falaises, connues dans le monde entier pour les voies d'escalade qu'elles offrent.
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